Tout dire mais sans violence Grâce au Love Lab de Seattle, on a réussi à comprendre avec un niveau de détail sans précédent ce qui se passe dans la tête et dans le cœur des gens qui sont en conflit. Et comment ils vont souvent droit dans le mur. Naturellement, on a toutes les raisons de croire que ce sont les mêmes réflexes, les mêmes erreurs qui minent la gestion des conflits non conjugaux, qu'il s'agisse de nos enfants, de nos parents, de notre belle-famille, et surtout de nos supérieurs et de nos collègues de bureau. Mais quels sont donc les principes de la communication efficace, celle qui fait passer le message sans aliéner son destinataire, celle qui, au contraire, lui inspire du respect et lui donne envie de nous aider?
Un des maîtres de la communication non violente est le psychologue Marshall Rosenberg… passionné très jeune pour les façons intelligentes de résoudre les différends sans passer par la violence…
Le premier principe de la communication non violente est de remplacer tout jugement - c'est-à-dire toute critique - par une observation objective. Au lieu de dire "vous avez fait preuve d'incompétence ", ou même "ce rapport n'est pas bon" - ce qui met immédiatement la personne à qui nous parlons sur la défensive -, il vaut mieux tout simplement être objectif et précis: " Dans ce rapport, il y a trois idées qui me semblent manquer pour communiquer notre message." Plus l'on est précis et objectif, plus ce que l'on dit est interprété par l'autre comme une tentative légitime de communication plutôt que comme une critique potentielle…
Le deuxième principe est d'éviter tout jugement sur l'autre pour se concentrer entièrement sur ce que l'on ressent. C'est la clé absolue de la communication émotionnelle. Si je parle de ce que je ressens, personne ne peut en débattre avec moi. Si je dis : "Tu es en retard, c'est ton égoïsme habituel...", l'autre ne peut que contester ce que j'avance. Par contre, si je dis : "Nous avions rendez-vous à huit heures et il est huit heures et demie. C'est la seconde fois en un mois; quand tu fais cela, je me sens frustrée et même parfois humiliée", il ne pourra remettre en cause mes sentiments. Ceux-ci m'appartiennent entièrement! Tout l'effort consiste à décrire la situation avec des phrases qui commencent par "je" plutôt que par "tu" ou par "vous". En parlant de moi, et seulement de moi, je ne critique plus mon interlocuteur, je ne l'attaque pas, je suis dans l'émotion, donc dans l'authenticité et l'ouverture. Si je m'y prends bien et si je suis vraiment honnête avec moi-même, j'irai même jusqu'à me rendre vulnérable en lui indiquant comment il m'a fait mal. Vulnérable parce que je lui aurai dévoilé une de mes faiblesses. Mais, le plus souvent, c'est justement cette candeur qui va désarmer l'adversaire et lui donner envie de coopérer - dans la mesure où lui aussi souhaite préserver notre relation…
Selon Rosenberg, il est encore plus efficace non seulement de dire ce que l'on ressent, mais aussi de faire part à l'autre de l'espoir partagé qui a été déçu. "Quand tu arrives en retard, alors que nous avons rendez-vous pour aller au cinéma, je me sens frustrée parce j'aime beaucoup voir le début d'un film. C'est important pour moi pour pouvoir profiter de toute la séance." Ou encore : "Quand tu ne m'appelles pas pour donner de tes nouvelles pendant une semaine, j'ai peur qu'il ne soit arrivé quelque chose. J'ai besoin d'être rassurée que tout va bien." Ou, dans le contexte du travail : "Quand vous laissez circuler un document avec des fautes d'orthographe, je me sens personnellement embarrassé parce que c'est mon image et celle de toute l'équipe qui sont affectées. Je tiens beaucoup à notre image et à notre réputation, surtout après que nous ayons travaillé aussi dur pour nous faire respecter." …
Je sais parfaitement que cette démarche a quelque chose de surréaliste, surtout quand il existe si peu de modèles dans notre entourage dont nous inspirer. On se dit: "Oui, ce serait formidable si je pouvais parler comme ça, si j'osais parler comme ça. Mais c'est impossible. Pas avec mon patron" (ou "pas avec mon mari"; "pas avec mes enfants"; "pas avec ma belle-mère", etc.). Le problème est pourtant simple: il n'y a que trois manières de réagir dans une situation de conflit : la passivité (ou la passivité-agressivité), la réaction la plus courante et la moins satisfaisante ; l'agressivité, pas vraiment plus efficace et bien plus dangereuse ; ou bien 1'"assertivité": c'est-à-dire la communication émotionnelle non violente.
Il existe tout de même des circonstances où il vaut mieux être passif ou agressif que de se lancer dans le processus complexe de la communication assertive. Lorsque l'enjeu est tellement mineur, par exemple, qu'il ne mérite ni notre temps ni notre attention, il est parfaitement légitime d'être "passif" et d'accepter une insulte, ou de se faire manipuler sans réagir. C'est souvent plus économique. À l'inverse, dans les situations d'urgence ou de danger, il est normal d'être "agressif" et de donner des ordres sans explication. C'est le mode sur lequel fonctionne l'armée, justement parce que sa raison d'être est de faire face au danger. Mais, quelle que soit la situation, il n'y a que trois façons de réagir. Et c'est à nous, chaque fois, de choisir. À nous de relever, ou non, le défi émotionnel.
Heureusement, les relations ne sont pas toutes conflictuelles. L'autre aspect généralement délaissé de la communication, alors qu'il est presque aussi important, est de savoir profiter des occasions d'approfondir notre relation avec autrui. Une des manières les plus simples d'y parvenir est de savoir être totalement présent lorsqu'il (ou elle) souffre et a besoin de notre aide. Là encore, l'important c'est de connaître les mots qui permettent de faire passer le courant émotionnel d'un cerveau à l'autre, efficacement, sans que cela prenne trop de temps. Pour cela, il existe une autre technique. Elle est plus facile à utiliser; sans doute parce qu'elle comporte moins de risques pour nous.
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Extrait du livre ;
LA COMMUNICATION ÉMOTIONNELLE par DAVID SERVAN-SCHREIBER ET VOUS, Comment pratiquez-vous ?
Pour mieux vous faire comprendre ...